Caché sur la côte d’azur, au fond d’une pinède, le fameux cabanon de l’architecte de la Cité Radieuse

Un cabanon pour se ressourcer

Ce n’est pas très connu du grand public mais le célèbre architecte Le Corbusier passait tous ses mois d’été dans son cabanon du Cap Martin.

Il disait : « J’ai un château sur la Côte d’azur, qui a 3,66 mètres par 3,66 mètres. »

Aujourd’hui, les étudiants en archi viennent du monde entier photographier les 14 mètres carrés de rondin de bois et de matériaux industriels.

Tout le mobilier est bien sûr rétractable, modulable, intégré

Le Corbusier conçoit le Cabanon de Roquebrune-Cap-Martin en 1951, comme un refuge personnel, un lieu de vacances face à la mer Méditerranée, sur un terrain appartenant à son amie Eileen Gray (une précurseure du design, d’origine irlandaise), à proximité du restaurant L’Étoile de Mer. L’architecte et son épouse deviendront amis avec la famille de restaurateurs. Des peintures murales de Le Corbusier orne encore les murs du restaurant.

Le sol est peint en jaune et un des panneaux du plafond se distingue des autres par un beau vert

Ce projet de cabanon se situe à la fin de sa vie, dans une phase de synthèse : il a déjà élaboré le Modulor (son système de proportions humaines) et s’intéresse à la vie simple et imagine une cellule d’habitation essentielle.

Un portrait de l’architecte, photographié à travers une des fenêtres du cabanon

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Une micro-maison avant l’heure

Le Cabanon du Cap Martin est une œuvre atypique et inclassable, à la fois modeste et radicale, où Le Corbusier pousse à l’extrême sa réflexion sur l’habitat minimum, la standardisation et le rapport à l’environnement immédiat.

Le cabanon est un manifeste de l’unité d’habitation réduite à sa plus simple expression, avec sa surface de 14 m² (3,66 m x 3,66 m) et sa hauteur de 2,26 m. Tout y est intégré : un espace de vie, un coin toilette, un espace de travail, un couchage. Tout doit être fonctionnel, sans superflu, à la manière d’une cabine de bateau.

Le Corbusier expérimente ici un espace total, pensé comme une machine à habiter condensée, mais où la dimension poétique (la lumière, la vue, la matière) reste primordiale.

Les caisses en bois sont multi-fonction à la fois rangements et assises

Le Modulor comme générateur

Fabriqué sur les bases du fameux Modulor, le cube de planches possède pour toutes ouvertures, une simple porte et une fenêtre. Le Modulor est un système de proportions fondé sur la taille moyenne de l’homme et le nombre d’or.

Les mesures du cabanon – 3,66 m, 2,26 m – ne sont pas arbitraires : elles dérivent directement de ces rapports harmoniques. Cela lui permet de démontrer que la justesse d’une proportion peut remplacer la décoration : la beauté réside dans la mesure.

Un espace sans cloison

L’intérieur est minimaliste. Chaque fonction (repos, repas, toilette, travail) occupe une zone distincte. Les meubles sont intégrés à la structure. Les ouvertures sont cadrées pour capter la lumière et la vue vers la mer. Le bois omniprésent crée une atmosphère chaleureuse et sensorielle. Tout est pensé de l’intérieur vers l’extérieur.

Une mini maison préfabriquée

Le cabanon est construit entièrement en bois, préfabriqué en atelier par des menuisiers corses, puis assemblé sur place en quelques jours, comme un meccano. La structure est une ossature en bois, avec des panneaux modulaires et des fixations visibles (dans l’esprit industriel mais artisanal).
La toiture mono-pente est plate, légèrement inclinée, couverte de tôle. Le bois peint à l’extérieur et laissé brut à l’intérieur.

Cette approche anticipe des principes de construction sèche et démontable, que l’on retrouvera dans l’architecture légère du XXᵉ siècle (Jean Prouvé, les métabolistes japonais…).

Un dialogue avec l’environnement

Le cabanon n’est pas posé contre le paysage, mais dans le paysage, il épouse le relief rocheux, sans terrassement important. Sa façade principale s’ouvre sur la mer, cadrant la vue comme un tableau. Il ne cherche pas à dominer le site mais à dialoguer avec la nature, dans une posture presque humble.

À quelques mètres, Le Corbusier a peint une fresque murale et décoré l’intérieur de motifs colorés, dans une continuité entre art, architecture et vie quotidienne. Les dosses extérieures sont passées au brou de noix et à l’huile de lin. Un pin rafraichit et donne de l’ombre.

Un projet modeste mais essentiel

Le Cabanon est une leçon d’architecture concentrée. Il montre que la rigueur de la proportion peut suffire à créer un espace harmonieux. Il propose une architecture de la mesure, où la beauté découle de la justesse fonctionnelle et du rapport au lieu. Il anticipe les réflexions contemporaines sur la sobriété, le minimalisme et la durabilité.

C’est aussi une œuvre autobiographique : Le Corbusier y meurt en 1965, après une baignade, comme s’il s’était fondu dans son œuvre ultime.

+ d’infos
www.sites-le-corbusier.org
© images : Olivier Martin-Gambier / W. Boesiger / FLC/ADAGP